Adoptée par l’Assemblée nationale le 02 avril dernier, la loi d’interprétation de l’amnistie reste suspendue au verdict des 7 Sages. Le président de la République devra attendre de recevoir avis favorable du Conseil constitutionnel, avant de promulguer ladite loi. Les députés de l’opposition
et les non inscrits ont saisi le Conseil constitutionnel pour faire annuler la loi d’interprétation de la loi d’amnistie. Me Aïssata Tall Sall et Cie ont déposé le recours hier sur la table des juges du Conseil constitutionnel. Proposée par le député Amadou Ba, la loi d’interprétation de la loi
d’amnistie a suscité moult commentaires et critiques. Membre du groupe parlementaire de
’opposition Takku Wallu, l’Alliance pour la République (Apr) avait dans un communiqué,
dénoncé le caractère «partial, sélectif et contraire au principe d’égalité des citoyens devant la
loi», avant de la juger «contraire à la Constitution». Une vingtaine d’organisations de la société
civile avaient même demandé des concertations inclusives avant le vote de la loi, tandis que la
présidente de la Commission nationale des droits de l’homme, Pr Amsatou Sow Sidibé, avait
recommandé la saisine du Conseil constitutionnel, à l’issue d’un atelier sur le sujet. «Si la loi
interprétative doit passer devant l’Assemblée nationale, la recommandation est de la soumettre
au Conseil constitutionnel pour qu’elle apprécie, et même remettre la question de la loi
d’amnistie au Conseil constitutionnel qui va éclairer tous les esprits.»
« Cette loi ne mérite pas de rester dans l’arsenal juridique du pays »
A en croire certains juristes, ce recours des députés de l’opposition a des chances d’aboutir, si les juges du Conseil constitutionnel se basent fondamentalement sur le Droit. Enseignant- chercheur en Droit public, Dr Yaya Niang avait alerté, dans nos colonnes. «Une loi dit interprétative qui adapte, restreint ou élargit son champ d’application, sort de cette catégorie et rentre dans le catalogue des lois modificatives. De ce fait, elle encourt l’annulation lorsqu’elle
sera soumise à la censure du Conseil constitutionnel.» Et de l’avis du juriste consultant El Amath
Thiam, pratiquement tous les spécialistes du Droit sont d’accord que cette loi est loin d’être une
loi interprétative. «Certains disent que c’est une loi modificative, d’autres disent même que
c’est tout simplement une nouvelle loi. Le Conseil constitutionnel aura le dernier mot, mais
cette loi ne répond pas aux normes classiques d’une loi interprétative, elle ne mérite pas de
rester dans l’arsenal juridique du pays.» Président de Justice sans frontières, El Amath Thiam
estime que si les 7 Sages se réfèrent strictement au Droit, la loi d’interprétation doit être
annulée, son sens et sa portée ayant été dévoyés. Le cas échéant, si le Conseil constitutionnel
suit les députés auteurs du recours et annule la loi d’interprétation, elle disparaitra tout
simplement, indique El Amath Thiam, et la loi d’amnistie votée en mars 2024, restera toujours
en vigueur car elle n’a pas été abrogée.