Le maître coranique qui avait transformé ses talibés en objets sexuels, risque la perpétuité

Envoyé en prison depuis le 12 février 2020 pour charlatanisme, détournement de mineur, pédophilie, acte contre nature et viol, Mouhamed Habibou Guèye a été jugé, hier mardi, par la Chambre criminelle de Dakar. Il est reproché au maître coranique d’avoir transformer ses «talibés» âgés de 12 ans en objets sexuels.

L’acte est ignoble. Il choquerait toute personne éprise de morale. A. Konté, S. Bâ et S. Ndao, ces trois jeunes garçons n’ont que 12 ans mais ils connaissent déjà les affres de la vie. Ils ont été transformés en objets sexuels, capable de satisfaire les désirs les plus vils de leur maitre coranique, Mouhamed Habibou Guèye. Chargé de leur enseigner, ce dernier profitait de ces moments pour abuser de ces jeunes «talibés». Selon les accusations, il les obligeait même à avoir des rapports sexuels entre eux. Après avoir satisfait sa libido, le maître coranique récupérait le sperme qu’il aurait utilisé à des fins mystiques. Des accusations que Habibou a nié en bloc, hier mardi, devant la Chambre criminelle de Dakar. Poursuivi pour charlatanisme, détournement de mineur, pédophilie, viol et acte contre nature, le marabout crie au complot. Selon ses déclarations, cette histoire est montée de toutes pièces par les parents des victimes qui ont une dent contre lui.

«Il m’a dit qu’il avait besoin de mon sperme…»

Habibou savait comment attirer ses victimes dans ses filets. Pour les appâter, le charlatan leur promettait des lendemains meilleurs grâce à ses dons mystiques. Mais pour se faire, il leur fait croire qu’il aurait besoin de leur sperme. S. Bâ, jeune footballeur qui rêve de signer pro va mordre le premier à l’hameçon vers les années 2008. «Un jour, il m’a demandé de le rejoindre dans sa chambre. Il m’a dit de monter sur le lit. Il m’a déshabillé et a commencé à me caresser. Il a introduit son doigt dans mon derrière avant de me pénét… avec son sexe jusqu’à éjaculation. Après avoir éjaculer, il se nettoyait à l’aide d’un mouchoir pour récupérer le sperme. Il remettait le mouchoir dans un bocal remplit d’eau… J’avais 12 ans», déballe celui qui a maintenant 29 ans. Selon toujours ses accusations, le maître n’en était pas à son coup d’essai. Il dit avoir passé plusieurs nuits chez son marabout au cours desquelles les actes se seraient répétés. «Il me l’a fait à plusieurs reprises. Parfois c’est moi qui le pénét… Après chaque séance, il me remettait de l’argent. Il m’avait acheté un téléphone portable et des chaussures», confie l’homme. A son tour, S. Ndao a témoigné avoir subi le même supplice que son camarade «talibé». «Il m’a fait savoir qu’il avait besoin de mon sperme. Au début il me faisait des attouchements, me demandait de lui faire une sucette et faisait de même avec moi. On finissait par avoir des relations sexuelles. Un jour c’est lui qui me pénét…, les jours d’après c’est moi…», charge le plaignant. Plus chanceux que ses amis, A. Konté raconte qu’il n’a subi que des attouchements. «Il ne m’a jamais péné… Il se limitait juste aux caresses et frottait parfois son sexe entre mes testicules jusqu’à éjaculation», confie A. Konté. Selon toujours les accusations, le marabout obligeait les garçons à entretenir des relations sexuelles entre eux en sa présence. Ces faits se sont déroulés à Ouakam.

«J’ai porté plainte après qu’il m’a traité de goor-djiguene »  

Leur calvaire a duré 12 ans. De 2008 à 2020, année de son arrestation, Habibou continuait d’abuser de ces jeunes garçons sous les yeux de leurs parents qui pourtant avaient foi en lui. Mais leur silence a pris fin le jour où l’une des victimes, M. Diagne a décidé de porter plainte contre le maitre coranique. «Il m’avait traité de goor-djiguene. Une insulte qui m’est resté en travers de la gorge. Si aujourd’hui, je suis efféminé, c’est à cause de lui. Il m’obligeait à avoir des relations sexuelles avec lui. Donc pour le mettre hors d’état de nuire, j’ai décidé de porter plainte pour viol. C’est ainsi que l’affaire a éclaté», a déclaré à l’enquête M. Diagne qui d’ailleurs a brillé, hier, à l’audience par son absence.

Attrait devant la Chambre criminelle de Dakar, M. Habibou Guèye conteste toutes les charges. Selon ses déclarations, cette histoire est montée de toutes pièces par les parents de ses accusateurs. «Ils ne sont jamais entrés dans ma chambre. On n’est jamais resté seul. Ce sont de fausses accusations. Je commençais à déranger dans le quartier. Mon mouvement religieux commençait à prendre de l’ampleur. Les enfants me suivaient partout. C’est ce qui dérangeaient leurs parents qui m’accusent de les avoir détournés de leur tarikha. Pour me chasser du quartier, ils ont inventé cette histoire», se défend l’accusé. Concernant les sommes d’argent et les cadeaux qu’il remettait aux plaignants, l’accusé dit l’avoir fait par altruisme. Une ligne de défense peu convaincante aux yeux du procureur de la République. Jugeant les faits d’une extrême gravité, le parquet requiert la perpétuité contre le maitre coranique. Pour sa part, la défense plaide l’acquittement pure et simple. Pour les robes noires, dans cette affaire, il n’y a aucune preuve matérielle qui prouve la culpabilité de leur client. L’affaire est mise en délibérée. Elle sera vidée le 13 mai prochain.