Le rapport de la Cour des comptes (2019-2024) a mis en lumière une sous-estimation alarmante de la dette publique et du déficit budgétaire. Contrairement aux chiffres annoncés, la dette du Sénégal représente 99,67 % du PIB, et non 76,3 %. Le déficit budgétaire atteint 12,3 % du PIB, bien loin des 4,9 % avancés. Comment en sommes-nous arrivés là ? Qui a laissé filer les dépenses au point de menacer la stabilité de notre pays ? Ces révélations ne sont pas qu’une affaire comptable. Elles montrent un modèle économique insoutenable, où l’endettement a remplacé la rigueur budgétaire et où les promesses de croissance masquent une dépendance excessive aux financements extérieurs. Jusqu’à quand allons-nous fermer les yeux sur cette fuite en avant ?
Depuis plusieurs années, Mamadou Lamine Diallo alerte sur la gestion opaque des finances publiques à travers ses QUESTEKKI. Dans la QUESTEKKI n°173, il posait déjà la question : “À combien s’élève réellement la dette publique ?”. Dans la QUESTEKKI n°182, il interrogeait : “Pourquoi les autorités manipulent-elles les chiffres du déficit budgétaire ?”. Dans la QUESTEKKI n°346, il demandait : “Qui contrôle la destination des fonds levés sur les marchés financiers ?”. Et dans la QUESTEKKI n°363 du 11 juillet 2023, il prédisait déjà qu’en 2024, il faudra une évaluation rigoureuse des comptes publics. Aujourd’hui, le rapport de la Cour des comptes confirme ces inquiétudes. Alors, que compte faire le gouvernement pour restaurer la vérité budgétaire et éviter au Sénégal une crise financière majeure ?
Pendant des années, les finances publiques ont été présentées sous un jour rassurant. Les artefacts des statistiques sont devenus monnaie courante. Pourtant, la réalité est tout autre : une dette extérieure massive qui expose notre économie à une hausse du taux d’intérêt, des dépenses publiques mal orientées, avec une part excessive allouée au fonctionnement plutôt qu’à l’investissement productif, et une croissance artificiellement soutenue par l’endettement, sans impact structurel sur l’emploi et la compétitivité. Qui profite réellement de cette situation ? Certainement pas la jeunesse sénégalaise qui peine à trouver du travail. Cette fuite en avant affaiblit notre souveraineté économique et place le pays sous la pression des créanciers internationaux. Que restera-t-il de notre indépendance si chaque décision budgétaire est dictée de l’extérieur ?
Un exemple frappant de cette mauvaise gestion est le Building administratif Mamadou Dia. Mamadou Lamine Diallo, à travers plusieurs QUESTEKKI, n’a cessé de poser la question : “Combien a réellement coûté la rénovation du Building administratif ?”. Dans la QUESTEKKI n°258, il alertait sur “les surcoûts et l’opacité entourant ce projet”. Ce scandale illustre une gestion chaotique des fonds publics, où l’endettement finance des infrastructures coûteuses dont l’utilité et la transparence restent discutables. Qui répondra de ces dérives ?
Il faut en finir avec l’aveuglement et engager une nouvelle politique budgétaire, fondée sur la transparence, l’efficacité et l’indépendance économique. Cela commence par un assainissement des finances publiques. L’État doit réduire les dépenses non prioritaires et réorienter les ressources vers des investissements stratégiques. Qui contrôle réellement l’efficacité de ces dépenses ? Pourquoi certains projets pharaoniques sont-ils financés alors que les hôpitaux et les écoles manquent de moyens ? Qui a intérêt à masquer la vérité ? Il faut mettre fin aux exonérations fiscales injustifiées et élargir l’assiette fiscale en luttant contre l’évasion. La publication de budgets sincères, contrôlés par un organe indépendant, doit devenir la règle afin d’éviter toute manipulation des chiffres.
En parallèle, la structure de la dette doit être rééquilibrée. Un rééchelonnement des échéances extérieures est nécessaire pour éviter l’asphyxie budgétaire. Sommes-nous prêts à renégocier intelligemment notre dette ou allons-nous continuer à subir ? Il faut également privilégier les emprunts en monnaie locale et les financements à taux préférentiels, tout en créant un fonds de stabilisation pour amortir les chocs économiques. Mamadou Lamine Diallo a posé une question essentielle dans la QUESTEKKI n°324 : “À quoi servent réellement les eurobonds contractés par l’État ?”. Si ces ressources ne financent pas directement des projets structurants, alors elles ne font qu’alourdir la dette sans bénéfice pour les Sénégalais.
Réduire la dette ne suffit pas. Le Sénégal doit aussi créer de la richesse pour financer son avenir sans dépendre de l’endettement. Cela passe par une transformation profonde du modèle économique. Le secteur privé national doit être au cœur de cette stratégie. Pourquoi les jeunes entrepreneurs sénégalais peinent-ils autant à accéder au crédit pendant que l’État s’endette sans limite ? Il est urgent de faciliter l’accès au financement pour les PME, de lever les obstacles administratifs qui freinent l’investissement et de favoriser l’industrialisation locale afin de transformer nos matières premières sur place. Pourquoi continuons-nous à exporter nos ressources brutes pour ensuite importer les produits finis à prix fort ?
L’exploitation des ressources naturelles doit également être repensée. Les revenus issus du pétrole et du gaz ne doivent pas servir à rembourser la dette ou à financer des dépenses courantes. Un fonds souverain doit être créé pour investir dans des projets structurants et diversifier l’économie. Qui va gérer ces fonds ? Aurons-nous la transparence nécessaire pour éviter la dilapidation de ces richesses comme cela s’est produit ailleurs ? Ces ressources doivent avant tout bénéficier aux Sénégalais, à travers une gestion équitable et responsable. Parallèlement, l’agriculture doit être modernisée. L’autosuffisance alimentaire est une priorité stratégique qui passe par une agriculture mécanisée, la transformation locale des produits agricoles et la réduction de notre dépendance aux importations. Pourquoi continuons-nous à importer du riz alors que nous avons les terres et les compétences pour en produire suffisamment ?
Le rapport de la Cour des comptes est un électrochoc, mais il doit aussi être un point de départ. Le Sénégal a aujourd’hui l’opportunité historique de refonder sa politique budgétaire et économique sur des bases saines. Cette refondation repose sur trois principes : vérité et transparence budgétaire, réforme économique audacieuse et souveraineté financière et productive. Plus jamais de manipulations comptables, plus jamais de faux-semblants. L’État doit retrouver son rôle de stratège tout en laissant plus de place à l’initiative privée. L’économie doit générer ses propres richesses et ne plus vivre à crédit.
Mais cette refondation ne peut se faire sans justice. Ceux qui ont plongé le Sénégal dans cette impasse doivent rendre des comptes. Ce sabordage financier n’est pas une fatalité, mais le résultat de décisions politiques irresponsables. L’impunité ne doit plus être la règle. Les détournements, la mauvaise gestion et les manipulations budgétaires doivent être sanctionnés. Les coupables doivent répondre de leurs actes devant la justice, car c’est le seul moyen de restaurer la confiance et de garantir un avenir économique viable pour le Sénégal. La responsabilité politique et judiciaire est un pilier essentiel de la refondation économique.
Le Sénégal mérite mieux que des ajustements de façade. Il est temps de bâtir un modèle économique qui profite réellement aux Sénégalais, et non aux seuls créanciers internationaux. Mamadou Lamine Diallo n’a cessé de poser la question : “Qui contrôle réellement notre économie ?”. Aujourd’hui, nous avons un choix à faire : subir les erreurs du passé ou écrire un nouvel avenir. Je choisis l’avenir. Et vous?
Bassirou Beye
Ingénieur en planification économique
Cadre de Tekki