La rentrée solennelle des Cours et Tribunaux 2025 s’est tenue dans une atmosphère empreinte de gravité et de responsabilité. Sous l’égide du Président de la République, et en présence d’éminentes personnalités issues de tous les horizons institutionnels, ce rendez-vous annuel a été marqué par une réflexion approfondie sur le thème central : « Droit de grève et préservation de l’ordre public ». Dans son allocution magistrale, Me Mamadou Seck, Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Sénégal, a dressé un tableau à la fois lucide et stimulant des défis inhérents à l’exercice de la justice dans une démocratie moderne. Cette tribune a été l’occasion de poser un regard critique sur l’état actuel de la justice sénégalaise tout en esquissant des pistes pour son amélioration.
Dès l’ouverture de son discours, Me Seck a tenu à saluer la mémoire des membres de la famille judiciaire disparus, en rappelant leur dévouement inaltérable au service de l’institution. « Ils ont donné à la justice leurs meilleures années et leur souffle. Que leurs âmes reposent en paix », a-t-il déclaré avec émotion. Il a également salué l’engagement inlassable des acteurs de la justice, magistrats, greffiers, avocats et autres auxiliaires, souvent confrontés à des conditions de travail difficiles. Ce dévouement, selon lui, mérite une reconnaissance constante de la part de l’État et de la société.
Droit de grève et ordre public : une dialectique complexe
Le cœur du discours a été consacré à une analyse approfondie de la relation entre le droit de grève, reconnu comme fondamental, et les impératifs de l’ordre public. Citant Alain, Me Seck a rappelé que « la liberté ne va pas sans l’ordre, et l’ordre ne vaut rien sans la liberté ». Il a exposé avec clarté les fondements juridiques du droit de grève, tel qu’inscrit dans la Constitution sénégalaise, tout en soulignant la nécessité d’un encadrement légal. La conciliation entre l’exercice de ce droit et la préservation de l’ordre public constitue, selon lui, un défi permanent pour toute démocratie. Me Seck a évoqué des jurisprudences de référence, comme l’arrêt Dehaene de 1950, pour démontrer que l’équilibre entre ces deux concepts repose sur une régulation mesurée, respectueuse à la fois des droits individuels et des besoins collectifs.
L’urgence d’une justice crédible et indépendante
La rentrée des tribunaux a également été l’occasion pour Me Seck de revenir sur les Assises de la Justice tenues récemment. Il a souligné les attentes immenses des citoyens sénégalais vis-à-vis d’une justice indépendante et équitable. « Une justice crédible nécessite une volonté politique forte, garantissant son indépendance et créant les conditions d’un égal accès pour tous », a-t-il affirmé avec force. Il a insisté sur la nécessité pour les acteurs de la justice de faire preuve d’une éthique irréprochable, d’un haut sens de responsabilité et d’une intégrité exemplaire.
Des défis structurels à relever
Le Bâtonnier a également abordé les contraintes matérielles et financières qui freinent le bon fonctionnement de la justice. Parmi celles-ci, il a cité le non-paiement de la dotation annuelle destinée à l’assistance judiciaire, accumulant un encours de plusieurs milliards de francs CFA. Il a plaidé pour une meilleure prise en charge des besoins du Barreau, notamment dans la formation des jeunes avocats, via la mise en œuvre effective d’une École des Avocats. Ces réformes, selon lui, sont indispensables pour renforcer le maillage judiciaire et garantir un accès équitable à la justice pour tous les citoyens.
Concluant son discours, Me Seck a exhorté les autorités présentes à traduire en actes les engagements pris envers la justice sénégalaise. Il a également réitéré l’engagement du Barreau à jouer pleinement son rôle d’acteur clé dans la consolidation de l’État de droit. En choisissant d’aborder un thème aussi crucial que le droit de grève et la préservation de l’ordre public, cette rentrée solennelle a ouvert la voie à un débat fécond sur les équilibres nécessaires dans une société démocratique. Elle a rappelé, avec éloquence, que la justice n’est pas seulement une institution : elle est le socle sur lequel repose la confiance des citoyens en l’État.