Solidarité envers les conducteurs de Jakartas du Sénégal, Par Bouna Koita, Expert en Politiques Publiques, ancien Maire de Dialambéré –Kolda

Le refus soudain et légitime des conducteurs de Jakartas face à la légalité républicaine. Tout est parti d’une circulaire ministérielle de la tutelle des transports qui a déclenché la crise.

A qui la faute ? Quelles pistes de solutions ?

Depuis plus de 20 ans, l’Etat du Sénégal a mis « la charrue avant les bœufs ». En ne voulant pas prendre le taureau par les cornes, l’Etat a failli à sa mission régalienne et de meneur et de garant des politiques publiques.

En laissant faire, en fermant les yeux sur la recrudescence des Jakartas, ce qui devait arriver, est arrivé, L’Etat doit reprendre la main et prendre toutes ses responsabilités.

L’actualité du moment nous plonge dans une affaire nationale : la crise des Jakartas. C’est une question de politique publique. Une circulaire du ministère de tutelle dans laquelle une réforme est prévue dans des conditions non élucidées et dont le contenu est impopulaire et inapplicable a déclenché la réaction émotive des conducteurs des Jakartas partout au Sénégal. Depuis plus de 10 ans, nous assistons à une montée en puissance des deux, trois roues. Au Sénégal, près de 30 millions de jakartas circulent dans des conditions que nous connaissons tous.

Cependant ne déshabillons pas Issa pour habiller Samba. Les recettes fiscales aussi légales et légitimes soient elles, ne devraient pas nous conduire à traquer les conducteurs de Jakarta soucieux de leur devenir en tant que jeunes. Oui à la rigueur budgétaire et non à la stigmatisation d’une partie de la population, le Jakarta constitue une véritable alternative, une solution aux multiples difficultés liés à la crise du secteur des transports urbain, périurbain et rural : embouteillages dans les centres urbains, le chômage des jeunes, moyen intermédiaire pour les entreprises, commerces, restaurants et autres. Tous font recours à ce moyen de transport moins onéreux et plus rapide surtout en cette période de crise.

Il nous faut sortir de cet imbroglio politico-économique pour aller vers une régularisation intelligente et rationnelle. Après la séquence traumatisante des manifestations des années passées faites de tumulte, nous devons tous faire l’économie d’une manifestation des conducteurs de Jakartas, une autre irruption dont les laves brûleraient des mains innocentes. Que les tenants du pouvoir, écoutent les principaux concernés et bénéficiaires, les sénégalais d’en bas qui sont acculés de toutes parts par le panier cher de la ménagère, l’électricité chère, les loyers chers, l’eau rare et chère bref par la vie chère.

Malheureusement, les deux ou trois roues rencontrent bon nombre d’obstacles: l’absence du permis de conduire et de formation, l’absence d’assurance, le non port du casque, la surcharge des passagers, la recrudescence des accidents, des vols à l’arraché…tout cela est vrai et entache l’image du diakarta-man.

A Kolda ville, les Jakartas réunis en association dynamique avec son Président Baîlo Barry et dont le nombre est estimé à près de 1064 sont partout ; dans tous les quartiers et carrefours, coins de rue, marchés… à l’affût de clients…. Et, c’est une économie locale, aubaine pour les clients et petits revenus salvateurs pour les jeunes qui nourrissent leurs familles. Le département de Kolda constitué de 14 communes, est confronté au manque de transports, le Jakarta est devenu le moyen de transport le plus prisé des populations pour faire leurs courses:

– rallier le centre-ville de Kolda : marchés, services administratifs…

– effectuer le ramassage vers les établissements scolaires et secondaires,

– Aller vers les structures sanitaires…

Aujourd’hui, nous sommes face à véritable casse-tête :

Quelles pistes de solutions ?

1- Suspendre la note circulaire ministérielle impopulaire qui fait crise, dont l’application est inopportune, car on ne réforme pas en catimini. Appliquons-lui la fenêtre d’Overtonii pour la rendre acceptable, raisonnable, populaire.

2- Ouvrir des négociations avec l’association Nationale de cette corporation qui a sollicité une rencontre avec la hiérarchie, ce qui permettrait de mettre autour de la table de négociation. Cette corporation est demandeuse de formalisation. Toutefois, cette note circulaire a mis du sable dans la machine.

3- En attendant, je propose à toutes les parties prenantes, de prendre en compte quelques-unes de mes préconisations :

o Le brevet de sécurité routière (bsr) serait une alternative au permis de conduire qui autorise l’usage du Jakarta uniquement à défaut du permis de conduire,

o Une assurance obligatoire,

o Une attestation sur l’honneur de la personne ayant acquis le Jakarta à défaut d’une facture ou preuve d’achat du vendeur ou revendeur,

o Une autorisation-attestation délivrée par l’Etat au conducteur titulaire du bsr,

o La CNI du conducteur et du (re)vendeur,

o Un moratoire sur les 28000.

Il ne sert à rien d’accuser nos hommes politiques et de les dénoncer. Mieux vaut sortir de l’ombre pour défendre nos propres intérêts, ce qui relève d’une obligation civique.