En ce jour empreint de solennité et d’histoire, le Sénégal a célébré la mémoire de Lat Joor Ngone Latyr Joop, figure légendaire de la résistance anticoloniale, lors de l’inauguration d’un monument érigé à son honneur dans la ville de Thiès. Cette cérémonie, présidée par le Président de la République, a rassemblé une foule diverse, composée d’autorités étatiques, religieuses et coutumières, mais aussi de citoyens venus témoigner de leur attachement à un patrimoine commun.
Le Damel du Kajoor incarne à jamais l’esprit de défiance et de bravoure face à l’injustice coloniale. De 1863 jusqu’à sa mort héroïque à Dekheulé, il s’érigea en défenseur infatigable de la souveraineté du Kajoor. Ce fin stratège, doté d’une rare intelligence politique, refusa toute compromission, y compris face à des propositions jugées attractives par d’autres. Son opposition catégorique à la construction du chemin de fer symbolise sa résistance acharnée à l’expansion impérialiste. Le monument inauguré à Thiès est bien plus qu’un hommage architectural. Il résonne comme une réaffirmation des valeurs sénégalaises de dignité, de courage et de résistance. Comme l’a souligné le Président de la République, Thiès, ancien bastion du Cangin et théâtre de nombreuses batailles historiques, est le lieu idoine pour immortaliser la mémoire de ce héros national.
Le Président a inscrit cet hommage dans une tradition plus large de reconnaissance des résistants africains. Il a évoqué des figures emblématiques telles que Kaañ Faye, qui, en verrouillant les routes commerciales, mit en échec les ambitions économiques coloniales, ou encore Aline Sitoé Diatta, héroïne de la résistance casamançaise. Ces figures, parfois moins connues, enrichissent le panthéon sénégalais, portant les valeurs de souveraineté et de dignité au-delà des générations.
La cérémonie a également permis de souligner l’héritage panafricain des résistants sénégalais. Le Président a rappelé l’alliance stratégique entre Lat Joor et des figures telles qu’Alboury Ndiaye, Bourba du Jolof, ou encore Alfa Molo Baldé, chef visionnaire du Fouladou. Ces alliances, tissées malgré les rivalités locales, démontrent la quête commune des peuples africains pour la liberté et l’autodétermination.
Un devoir de mémoire et d’éducation
Au-delà des hommages rendus, cette inauguration invite à une réflexion profonde sur le rôle de la mémoire dans la construction de la nation sénégalaise. Le Président a exhorté les collectivités locales à suivre l’exemple de la mairie de Thiès en érigeant des monuments, en soutenant les industries culturelles et en célébrant les figures historiques qui incarnent les valeurs nationales. « Faire nation, c’est immortaliser ces vies exemplaires », a-t-il déclaré avec éloquence. À travers des œuvres d’art, des pièces de théâtre ou des ouvrages littéraires, ces héros doivent continuer à inspirer les générations futures. L’école, en particulier, est appelée à jouer un rôle central dans cette transmission, intégrant cette mémoire dans les programmes éducatifs.
Thiès, ville des cheminots et bastion de résistances multiples, demeure un symbole fort des luttes sociales et politiques. Le Président a rappelé la grève sanglante de 1938 et celle de 1947, immortalisée par Sembène Ousmane dans Les bouts de bois de Dieu. Ces épisodes témoignent de l’engagement militant des Thiessois pour la justice et la liberté. La mémoire de ces luttes, qu’elles soient portées par les résistants armés, les figures spirituelles ou les mouvements sociaux, illustre la richesse et la complexité de l’histoire sénégalaise. Ce socle mémoriel, a insisté le Président, doit nourrir l’imaginaire national et forger les convictions patriotiques des jeunes générations.
En concluant son discours, le Président a rappelé que l’histoire de figures comme Lat Joor ou Alboury Ndiaye transcende les frontières sénégalaises. Ces résistants, qui ont œuvré pour préserver leur souveraineté face aux forces impérialistes, incarnent des idéaux panafricains de solidarité et de dignité. L’inauguration de ce monument n’est pas seulement une célébration du passé, mais un appel à construire un avenir fondé sur la mémoire, la justice et la cohésion. Comme l’a souligné le Président, « continuer à faire partie, c’est renforcer la perspective de l’unité à partir de toutes les sources qui alimentent la mémoire nationale ».
Thiès, par cette journée mémorable, a une fois de plus confirmé son statut de ville-pivot de l’histoire sénégalaise. Le monument dédié à Lat Joor n’est pas qu’un hommage, il est un message pour les générations futures: celui de rester debout, dignes et souverains, face à tous les défis à venir.