La baisse de 440.000 voix de la mouvance Pastef enregistrée entre la présidentielle de mars et les législatives de ce 17 novembre semble avoir fait couler de l’encre. C’est une occasion pour aller un peu plus au fond dans la problématique des rapports entre l’élection présidentielle et les élections législatives au Sénégal. Ceci dit, le plus important et là où nous tous, Sénégalaises et Sénégalais sommes interpellés, c’est à une réflexion profonde pour des propositions concrètes sur comment notre nation doit prendre son destin en main pour une libération des initiatives qui puissent permettre d’aller vite et bien à une émancipation politique, économique, sociale et culturelle de notre peuple. On ne devrait plus pouvoir s’opposer comme avant ni gouverner comme avant. Dès lors, il ne nous reste qu’à opérer un ajustement intégral, individuel et collectif pour y arriver. Si nous devons avoir un débat sur les dernières statistiques électorales, c’est dans cet esprit que nous devrions l’aborder, dans une démarche positive et constructive car, en dernière instance, c’est le choix des Sénégalais qu’on dissèque et non le choix de l’analyste.
Le retour à une pratique électorale multipartite à partir de 1978, après 15 ans d’élections sans concurrents, a permis de mesurer la prégnance de l’hyper présidentialisme institué dans notre pays par la Constitution de 1963 après l’enterrement du régime parlementaire. En effet depuis 1978 jusqu’en ce mois de novembre 2024, aussi bien le taux de participation des électeurs que le score du Président de la République sont systématiquement supérieurs à ceux observés dans les scrutins législatifs. Ceci s’explique aisément. Dans la conscience des électeurs et dans l’opinion en général, l’Assemblée nationale n’a pas très bonne figure. En effet on a constaté pendant six (6) décennies que le parlement n’a, à aucun moment, affirmé une identité et une personnalité perceptibles et visibles. S’y ajoutent des pratiques et postures qui, même si elles n’ont pas été le fait de tous les députés, ont largement contribué tout au long de ces 60 années, à assombrir l’image de cette institution. C’est tout cela combiné qui explique fondamentalement que les Sénégalais votent plus nombreux à la présidentielle qu’aux législatives. Le tableau en annexe montre qu’il en est ainsi même lorsque le scrutin présidentiel et le scrutin législatif ont lieu le même jour, ce qui a été le cas en 1978, 1983 et 1988. L’électeur, avec deux types de bulletins, vote dans le même bureau dans une urne à droite pour le Président et une urne à gauche pour la liste de candidats députés. Malgré la simultanéité, il a été clairement noté qu’au décompte des votes, ceux qui ont voté aux législatives étaient moins nombreux que ceux qui ont voté à la présidentielle. C’est donc une règle bien établie depuis 1978 à l’exception, je le souligne, du scrutin législatif de cette année où l’on a noté une hausse de la part de Pastef dans les suffrages par rapport à son score de la présidentielle, passant de 54,24% à 54,97%. C’est une performance sans précédent. Le taux de 69% de la coalition Sopi aux législatives de juin 2007 contre 55,90% à la présidentielle de février 2007 ne peut entrer en ligne de compte du fait du boycott massif des élections législatives de 2007 par l’opposition électoralement significative.
Par ailleurs, si nous revenons aux deux scrutins de 2024, on observe ce qui suit :
Entre la présidentielle et les législatives, plus de 800.000 électeurs ont fait défection. Voyons comment cela a impacté les deux principales coalitions de la dernière présidentielle. Devant cette baisse globale de 20%, Pastef ne lâche que 5 points tandis que le candidat de Bennoo à la présidentielle qui a vu son électorat éclaté aux législatives a perdu 80 points de son électorat de mars dernier. On ne compare pas 5% et 80%. Lorsqu’on veut réellement lire les statistiques électorales, c’est vers une approche comparative qu’il faut aller et, à cet égard, la seule conclusion qui s’impose est que la victoire de Pastef dans ces élections législatives est véritablement sans tache.
Mamadou Diop « Decroix »