L’ancien Ministre et député Abdou Fall a demandé aux députés de ne pas voter les lois portant dissolution du Conseil Economique Social et Environnemental et le Haut Conseil des Collectivités Territoriales. Il l’a dit au travers d’une lettre adressée aux députés sénégalais.
Dans la lettre fait-il savoir « le Sénégal fait face en effet à un cas de figure inédit du point de vue politique entre république et démocratie. Entre un chef de l’État installé à la tête du pays à la faveur du suffrage universel par une majorité acquise à partir de la volonté d’un chef de parti qui en a décidé. Et qui se retrouve lui-même soumis, du point de vue des règles de la République, à l’autorité de celui qui lui doit sa place à la tête du pays ».
Ce bicéphalisme curieux et paradoxal ajoute-t-il « devant se gérer au demeurant dans le contexte d’une cohabitation de fait entre une nouvelle majorité exécutive faisant face à une majorité parlementaire qui échappe totalement à son contrôle. « Cette situation insolite, à notre avis, si sérieuse au point de faire l’objet de toutes les attentions parmi les élites politiques et intellectuelles du pays, on aurait tort de l’aborder autrement que dans la plus grande sérénité. A cette question centrale est venue s’ajouter celles déjà soulevées sur le chapitre des réformes institutionnelles arrivées depuis longtemps à maturité sur la nature du régime politique obsolète qui continue de nous gouverner. Ces questions fondamentales devraient plutôt constituer, en ce moment précis, les sujets de fond qui auraient dû actuellement mobiliser les élites et les citoyens de notre pays ».
Le Président Bassirou Diomaye Faye en a décidé autrement en convoquant dans l’urgence le parlement, juste pour la dissolution de deux institutions de la République, le Conseil Économique Social et Environnemental et le Haut Conseil des Collectivités Territoriales. Cette nouvelle donne de la volonté déclarée du Président de la République de dissolution de ces institutions consacrées par loi constitutionnelle trouve pour principal motif, pour l’instant déclaré, le souci de réaliser des économies budgétaires évaluées de l’ordre de 15 milliards par les uns, 20 milliards par les autres indiquent Fall.
« Des montants certes significatifs dans notre contexte de pays en développement, mais qui n’en restent pas moins marginaux pour tout ce qu’en retour ces institutions apportent en termes d’inclusion, d’intégration nationale et de régulation » avoue t’il. « Le professeur Souleymane Bachir Diagne rappelait, il y’a quelque temps, que les institutions sont les organes inventés par l’homme moderne pour marquer la rupture entre la société des humains et la jungle des espèces animales. C’est pourquoi le plus dangereux dans cette optique de soit disante économie budgétaire, c’est qu’il est su de tout le monde que pour nombre de ceux qui approuvent une telle initiative, ils le font pour des mobiles autres que ceux déclarés » ajoute Fall.
Il a assuré que c’est juste par conviction intime et devoir patriotique qu’il invite les députés à refuser le vote de ce projet de loi. « En gardant, au fond de moi, l’espoir que le chef de l’Etat et son chef de gouvernement se ravisent au dernier moment pour son retrait de la table de l’Assemblée nationale. Encore une fois, il ne se passe rien dans ce pays qui justifie cette logique de coup de force qui semble prévaloir dans le traitement de sujets qui nous concernent tous, et sur lesquels tellement de Sénégalais devraient avoir de bons mots à dire.
C’est pour toutes ces raisons que j’ai envie de dire, en toute humilité, aux autorités actuelles de notre pays que les priorités du moment sont plutôt ailleurs. Sur le terrain strictement politique, il est attendu qu’elles veillent avant tout à garantir à notre pays une transition pacifique ordonnée. Ceci doit passer par un dialogue serein avec les dirigeants des principales institutions avec lesquels elles partagent encore la gouvernance de l’Etat. Et avec les personnalités de bons conseils qui ont l’avantage d’une bonne connaissance du pays »
Enfin proposera-t-il que le Premier Ministre , par respect des institutions, des parlementaires et des citoyens , sacrifie à son devoir constitutionnel de présentation de sa déclaration de politique générale devant la nation mais aussi qu’un large consensus soit recherché et obtenu avec tous les acteurs politiques et du système démocratique, la presse en particulier , sur les meilleures conditions de préparation et d’organisation des prochaines élections législatives, déterminantes pour la paix et la stabilité du pays.