La crise économique qui secoue le monde entier n’épargne
aucun secteur ; elle frappe singulièrement celui des médias.
Rappeler cet état de fait relève de l’évidence et ça ne date pas
d’avril 2024. Malheureusement, depuis quelques jours, à la suite
de la troisième alternance consacrant l’accession au pouvoir du
Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye, on assiste à une
hypermédiatisation que l’on a du mal à comprendre de la part
de certains patrons. Les plus fatalistes vont jusqu’à décréter que
les médias sont en quasi-faillite depuis cinq ans. Ces sorties aux
allures d’investisseurs qui pleurnichent sans cesse sur leur sort
ne nous émeuvent plus.
Nous, journalistes, reporters, techniciens et professionnels des
médias, refusons d’être une nouvelle fois les dindons de la farce.
Nous ne nous laisserons plus embarqués dans des combats qui
ne servent qu’à renflouer les poches et les comptes de
l’employeur, laissant les travailleurs en rade et dans une
situation de misère extrême continue. Nous sommes pour des
solutions efficaces et efficientes qui bénéficient à l’entreprise en
la rendant plus viable, plus prospère au bénéfice de toute la
chaîne de production de l’information, en particulier des
reporters qui font le gros du travail en allant sur le terrain et en
rapportant la matière première. Malheureusement, ces derniers
vivotent dans des conditions lamentables. Leur vie est loin d’être
reluisante. En attestent les résultats de l’étude menée dans
différentes rédactions par la Convention des Jeunes Reporters
du Sénégal (CJRS). Les statistiques révèlent que sur un
échantillon représentatif de 216 journalistes-reporters,
seulement 21,1% ont un contrat à durée indéterminée (CDI) et
11,1% un contrat à durée déterminée (CDD). Ce tableau peu
reluisant indique que 22,2% des reporters interrogés disposent
d’un statut de prestataires, 17,1% sont en position de stage, ces
éternels stages sans aucune indemnité dans les entreprises
sénégalaises. Plus grave, 26,4% des journalistes reporters ne
bénéficient d’aucun des différents types de contrats énumérés
ci-dessus. « Maanam daniouy xeuy di daan sen doole, te ken
douléne fay dara ». WAAY LII NIAAW NEU !!!
L’étude montre également que 70% des contractuels ne
disposent pas d’une copie de leur contrat. Pis, moins de 20%
sont enregistrés à l’Inspection du Travail ; tandis que 77,7%
d’entre eux n’ont pas de bulletins de salaire ; enfin 14%
seulement ont une couverture maladie et un numéro à l’IPRES.
A cela s’ajoutent des conditions de travail difficiles, des cas de
harcèlement et de violences basées sur le genre dont sont
particulièrement victimes les femmes dans certaines rédactions
et quelquefois sur le terrain. Que dire de l’exploitation honteuse
des correspondants à qui on paie des miettes. 1000 FCFA pour
un reportage en français, 1000 FCFA pour la version wolof. Voilà
les tristes réalités que vivent les reporters de la presse
sénégalaise à l’aune du 21e siècle.
Face à cette situation déroutante qui perdure, aucune des
mesures jusque-là prises par les différents gouvernements ne
profitent aux travailleurs. Toutes sont en faveur du patronat. Il
est temps de changer de paradigme. Certains patrons qui
foulent aux pieds les droits des travailleurs ne méritent aucune
considération, aucune compassion, aucun soutien. Et le plus
triste dans cette histoire, c’est que la presse, qui attire l’attention
sur les abus et se positionne en sentinelle de la démocratie et de
l’État de droit, est dirigée par des bonhommes et bonnes dames
qui continuent de piétiner la législation en matière de droit du
travail au vu et au su de tous. Tous inclus le pouvoir, l’opposition,
les syndicats, la société civile, les inspecteurs du travail pour ne
citer que ces acteurs passifs face à un drame de grande
envergure. La définition du mot « paradoxe » n’est plus à
chercher dans le dictionnaire, elle est matérialisée par ces
patrons qui passent leur temps à demander un meilleur
accompagnement pour les entreprises, mais qui font fi des
doléances des reporters. Aussi, pour nous jeunes reporters, le
seul combat qui vaille actuellement demeure l’application
effective de la convention collective. Sans oublier les points en
rapport avec les revendications des professionnels des médias. A
l’image des organes de presse, les acteurs devraient réfléchir sur
la mise en place d’un fonds d’appui destiné exclusivement aux
reporters pour un renforcement de leurs capacités, la formation
initiale et continue, la prise en charge des accidents de travail.
Oui, les journalistes subissent des accidents de travail souvent
causés par la force publique. L’État n’a qu’à prendre ses
responsabilités. Si des entreprises sont en faillite ou ne sont pas
viables, les dispositions de l’acte uniforme de l’OHADA sur les
procédures collectives sont claires. Quand une entreprise est en
faillite ou n’arrive plus à régler ses obligations envers ses
créanciers, elle doit déposer son bilan auprès des juridictions
compétentes pour subir soit une procédure de redressement
soit une procédure de liquidation des biens. Si elle ne le fait pas,
l’autorité compétente doit s’autosaisir pour veiller à l’application
des textes en vigueur. La CJRS dispose d’une bonne recette
pour que l’entreprise ne meure.
Pour conclure, nous lançons un appel à l’aide au Président de la
République Bassirou Diomaye Diakhar Faye, qui a suscité
beaucoup d’espoir chez les jeunes reporters pour avoir compris
et exprimé la principale problématique des entreprises de
presse. « Les problèmes des patrons de presse sont différents
des problèmes des journalistes reporters. Et si on règle les
difficultés d’une partie sans prendre en compte l’autre, le
problème reste entier. Je pense qu’il faut le prendre en
charge cette problématique dans sa globalité », avait dit le
candidat Bassirou Diomaye Faye face aux journalistes lors de sa
campagne. Aujourd’hui, nous faisons un poli rappel au Président
de la République pour qu’il applique l’approche holistique qu’il
avait annoncée afin que les préoccupations des journalistes,
reporters et techniciens de médias soient prises en compte.
Sans cette politique, le reporter demeurera dans une « jungle
où le fort dévore toujours le faible ».
PS : « Le fort xawma kane leuh mais takk na niarel, tabakh
ay keur, dieunde ay autos mais di dounde lou extraordinaire
pendant que le reporter biy nekk ci naathie bi amoul agn té
bouy xeuy daniukoy may pass mba mou dokh »
Le jeune Reporte